Lu ce matin dans le Courrier Picard, cet article qui fait le point sur le grand écart qui oppose les sauvaginiers, et par extension les défenseurs des zones humides d'une part, et les sylviculteurs d'autre part sur la question du peuplier. D'un côté, le Grenelle de l'Environnement promeut la sauvegarde de 20,000ha de zones humides au nom de la biodiversité, de l'autre, la Commission Européenne et l'Etat français subventionnent la plantation de peupleraies.
Face à ce paradoxe qui nous promet des années d'immobilisme, rappelons que quelques cachets d'aspirine et une mèche peuvent résoudre le problème aussi sûrement qu'un coup de 7 malencontreusement tiré sur la tête d'un jeune peuplier. A bon entendeur...
L'État et l'Europe subventionnent les productions de peupliers touchées par la rouille. Geste écologique et vertueux ? Pour les sauvaginiers picards, c'est de l'argent public dilapidé.
«Notre association a toujours été orientée vers la défense des milieux naturels, explique Jean-Louis Soufflet, président de l'association picarde des sauvaginiers de l'intérieur (APSI). Je me révolte de voir que l'État subventionne les propriétaires de peupleraies atteintes par la rouille (NDLR : un champignon), alors que ces arbres assèchent le peu de zones humides qu'il nous reste. » D'après le président de l'association, il s'agit là d'un véritable paradoxe au regard des intentions de Bruxelles, qui souhaite préserver ces sites d'exception en instaurant le réseau européen de sites naturels ayant une grande valeur patrimoniale, Natura 2 000.
« Chaque peuplier boit, sans restituer, près de 250 litres par jour en période chlorophyllienne, continue-t-il. Un risque pour nos zones humides aux spécificités hydrologiques, biologiques, paysagères mais aussi culturelles. »
Face à ces revendications, la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF) explique que la subvention accordée aux sylvicultures sinistrées a été décidée au niveau européen. « Elle permet de reconstituer des peuplements dévastés par des phénomènes naturels, note Dominique Évrard, chargé des forêts à la DRAAF. En 2007, la Picardie et la Champagne-Ardenne se sont entendus pour dire que le phénomène de la rouille atteignait de telles proportions qu'il fallait ouvrir la mesure aux populicultures malades, environ 6 000 ha dans la région. »
260 000 € ont donc été accordés par l'État et « à peu près autant par l'Europe ». Un financement qui, pour le président de l'APSI, contribue à la raréfaction de la biodiversité animale comme végétale. Cependant, tout est contrôlé et « n'importe quel populiculteur ne peut pas prétendre à cette aide ». « Des contraintes européennes associées aux nôtres ont été décidées avec le Centre régional de la propriété forestière et la direction régionale de l'environnement pour justifier l'attribution et garantir le respect de l'environnement », explique la DRAAF.
Concernant l'assèchement des sols, Dominique Évrard, qui a travaillé sept ans en hydrologie dans la Somme, souligne : « Un peuplier a forcément besoin d'eau pour pousser, mais ramené au volume d'eau de nos rivières, qui drainent la nappe phréatique, il est illusoire de croire que la populiculture assèche les sols. » Une division qui éclate trois ans après la mise en place de la subvention, dont les inscriptions s'achèvent d'ici un mois... Il est peut-être un peu tard.
JÉRÉMY BAUWENS
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