Par hasard, j'ai découvert la revue "Terre de Mers - Médoc-Bassin d'Arcachon-Landes" des éditions Caïrn. Le 2° numéro, automne 2007, a pour titre "Du Patrimoine à l'Environnement" et se compose d'articles très divers sur les bernaches, les huitres, un voilier, du jardinage, mais surtout dans la rubrique patrimoine, d'un reportage intitulé: "Cabanes du Sud-Ouest, des tonnes de rêves". C'est ce texte de C. Daney , extrait du livre "Cabanes du Sud-Ouest" de Charles Daney et Jean-Christophe Poumeyrol (éditions Caïrn)que je vous retranscris ici :
Des tonnes de rêves
Rien n'est plus secret qu'une cabane: elle est protégée par sa fragilité, sa banalité. L'ombre derrière les carreaux et les toiles
d'araignées la parent de mystère. Son propriétaire y est Roi mais il
reçoit dehors: l'intérieur est du domaine de l'intime.
Qu'elle soit à terre ou isolée sur l'eau, la cabane est repaire. Etre invité est plus qu'une marque de confiance, c'est un honneur. On l'espère comme les courtisans du Roi Soleil attendaient une invitation à Marly. L'invitation tombe, brève, simple, pudique, prometteuse. Elle tient en deux mots:"ce soir". Les habitués des tonnes comprendront.
Il y a des cabanes en dehors du Médoc, du Bassin et des Landes, semblables et différentes: semblables parce qu'elle ont partout la même fragilité faite de matériaux simples, ramassés de bric et de broc, différentes parce que l'artisan de la cabane est son propre architecte et qu'il n'y a pas deux chasseurs du même avis. Toutes cabane est un repaire, les tonnes de chasse surtout, en tenue de camouflage dans un lieu sauvage, destinée à rassurer des volatiles méfiants. C'est pour cela qu'elle doit composer avec le paysage ambiant: par ses matériaux, par sa massepar l'exiguïté des ouvertures. Sur pilotis, c'est une île dans un lac; au bord de l'eau, c'est un blockhaus, une tanière sous terre, une cabane de planches engoncée dans un buisson. Il n'y a qu'une obligation: l'eau, indispensable miroir aux canards sauvages que l'on attire par toute une série d'appeaux. Le chasseur joue avec la végétation, les matériaux d'épaves, le clapotis de l'eau, l'immobilité de la cabane, mais il y faut la nuit, le calme, une lueur de lune, le silence et pas de flamme, surtout pas de flamme. Que vient donc chercher le chasseur dans cet inconfort de cabane? Quel instinct lui fait affronter le froid et la nuit et l'attente? C'est moins l'abri qui compte que les bruits de la nuit, l'espérance des battements d'ailes et cette promiscuité, cette fraternité d'hommes transis attendant ensemble, se taisant ensemble avec de l'eau devant, dessous, de l'eau partout. La cabane est sombre. C'est du dehors que vient la lueur. Ce pourrait être triste comme un tombeau, c'est passionnant comme une échauguette. Qu'un froissement d'ailes se fasse entendre et c'est le branle-bas de combat: on réveille les pappeaux vivants, on fait flotter les appeaux de bois. Les coups de feu ne représentent, au fond, que la part finale, une part infime et la moins exaltante de la chase à la tonne.
La cabane, flottante ou fixe sur pilotis, flanquée comme un poste de surveillance sur quelques cap de rivage, vétuste ou non, fragile ou pas, camouflée par l'âge ou par les herbes, est pourtant le principal objet des fantasmes de chasse: ona réussi à pénétrer son intimité qui est sans prix car la tonne ne se loue pas, ne se prête pas. Etre invité à la chasse à la tonne est un privilège et c'est le privilège qu'on y aime.
La chasse finie, le propriétaire parti, la tonne, comme toute cabane, se referme sur son mystère ou plus exactement sa cadenasse, car la clé n'y suffirait pas, il y faut une chaîne."
Cet article est illustré par de très belles photos de J.C. Poumeyrol.
Je tenait à vous faire partager ce texte qui traduit assez bien ce qu'est notre chasse.
J'espère que ça vous donnera envie de découvrir cette revue qui sort 3 numéros à 4.50 euros par an.
Vous pouvez également vous y abonner. Pour tous renseignement:[email protected]
Les commentaires récents