Les chasses des migrateurs sont contraintes par les chiffres et l'histoire à une réduction de leur périmètre et de leurs spécificités, et il était sans doute plus simple d'écrire la Chasse des Canards en 1953 que de s'engager dans la rédaction d'une somme sauvaginière au début du 21ème siècle. C'est pourtant le tour de force qu'a réussi un journaliste bien connu des lecteurs de Connaissance de la Chasse, Philippe Aillery, en publiant il y a quelques mois un ouvrage aussi précis que précieux sur notre passion, Gibier d'eau, Chasseurs de migrateurs.
Un coup d'oeil un peu rapide à la table des matières m'avait fait craindre la redite : le sujet suggère des figures imposées comme l'analyse des mouvements migratoires, la description des espèces chassables et des modes de chasse; autant de questions que d'autres ont explorées avec talent et sur lesquelles tout semblait avoir été dit depuis la publication de Notre Sauvagine et sa Chasse au milieu du siècle dernier. L'actualisation des données disponibles sur le gibier d'eau et ses chasses fait disparaître cette crainte dès les premières pages consacrées aux phénomènes migratoires. Aux supputations empiriques du Dr.Rocher, de R.Bommier ou même de C.Businelli, Gibier d'eau, Chasseurs de migrateurs propose un état des lieux précis des connaissances sur les deux migrations suivi de 37 planches ornithologiques denses et équilibrées qui réservent au colvert la même attention qu'à la très improbable harelde de miquelon.
La présentation des espèces chassables présente un condensé des données écologiques et comportementales disponibles et des considérations plus en ligne avec les questions des chasseurs : les périodes et les zones de chasse favorables ainsi que des avis très personnels de l'auteur sur les qualités gustatives des gibiers. C'est ce pont permanent fait entre les préoccupations écologiques et pratiques des sauvaginiers qui rend Gibier d'eau, Chasseurs de migrateurs si légitime dans une bibliothèque bien constituée.
Les chapitres consacrés aux modes de chasses spécifiques des canards et des oies à poste fixe ou en bateau, des bécassines, des limicoles ou à la passée sont remarquables de détails et de pédagogie. Ils permettent au sauvaginier forcené comme au débutant d'y trouver pour l'un , un complément de savoir sur les voyages de chasse ou l'élevage des appelants et pour le second, une bible qui lui donnera toutes les bases nécessaires pour profiter à plein de ses premières nuits aux guichets. Une mention toute particulière mérite d'être décernée aux croquis des différents modes d'attache selon les vents - exercice ô combien sensible, dont le résultat est incontestable - et à la présentation de la chasse des vanneaux. Puisse cette dernière survivre à une actualité qui lui est très défavorable !
Gibier d'eau, Chasseurs de migrateurs risque de s'imposer comme une référence de la littérature sauvagnière, et c'est tant mieux ! Le style de son auteur révèle un fin mélange de passion, de savoir et de raison qui contribue, comme les films de Patrick Glotin à donner de la chasse du gibier d'eau une image exemplaire des sauvaginiers. Des prédateurs, sans doute, mais dont l'engagement dans l'entretien des milieux naturels est peut-être la plus constante des composante de leur passion.
Vous pouvez commander cet ouvrage en cliquant ici.
Les commentaires récents