L'usage systématique que je fais des oiseaux de bois à la hutte comme sur le Domaine Public Maritime est sans doute l'aspect le plus anachronique de ma passion pour les chasses aux migrateurs. Mes blettes sont sans doute plus chères et plus lourdes que leurs homologues en plastique, plus fragiles aussi et moins fidèles à la réalité des oiseaux qu'elles figurent. Mais par un fait étrange leur déploiement sur les plages picardes et bretonnes ne m'a jamais attiré que la sympathie des promeneurs et des chasseurs que j'ai croisés.
J'utilise une douzaine de pies exagérément grosses qui ont été taillées par Jeff Duxbury et que j'ai peintes de manière à ce que leur plastron blanc tranche avec le paysage sombre des estrans. Ce jeu d'appelants fait merveille sur les limicoles et le jour où ces photos ont été prises (novembre 2005) une grande bande de tournepierres à collier s'était laissée berner, sauvant du coup la vie à d'autres oiseaux moins protégés. Pas un coup de feu n'avait été tiré sur la plage du Men-Dû, et j'étais rentré heureux du spectacle que m'avait offert la marée et le ballet des vadeurs à quelques mètres du filet sous lequel je m'étais camouflé.
On est, dit-on, l'enfant de son enfance et un milouinan canadien en liège qui hantait la bibliothèque de mes parents a sans doute influé la manière dont je vis la chasse, loin de toute considération quantitative, comme une démarche esthétique. Le spectacle de ces oiseaux de bois, naïfs ou d'une extrême sophistication participe d'affût en nuit de hutte à la mise en scène de l'émerveillement.
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