La rumeur d'une fermeture anticipée, faisait plus de bruit ces jours-ci dans le ciel de Noyelles-sur-Mer (et surtout au Rio...) que les sifflets des migrateurs. Cette indécision teinte mes visites dans le marais de cette nostalgie propre aux fins annoncées : l'envie d'en profiter encore, la tentation de faire un bilan, l'amertume d'une saison qui n'en a pas vraiment été une... et le bonheur indicible de voir le ciel rougir en espérant qu'une sarcelle viendra troubler la quiétude de la mare.
J'ai convoqué de bons amis à partager la dernière nuit de la saison dans les marais des Isles à Ponthoile. La hutte est petite, la mare aussi, mais les nuits y sont pleines d'espoirs et les pages du carnet de hutte parfois émaillées de perles savoureuses... 16 Septembre - RAS, j'ai très bien dormi... 18 Septembre - Trop de bruit à la maison, je suis venu passer la nuit ici. Pas dérangé par les oiseaux, RAS... 19 Septembre - 21h16 : 1 sarcelle. 3h76 : 221 oies posées... je ne tire pas, elles sont trop dispersées, et il fait trop bon ici pour ouvrir les guignettes.
Le ciel clair de ce 21 janvier animé d'un léger vent d'ouest plaidait en faveur d'un chant léger : deux demi-cris, une amassoire et un couple de siffleurs sont mis en cage et disposés autour de la mare. Nous posons un maillard et un bon court cri sur le toit de la hutte, plus pour le folklore que par conviction : il y a avec nous deux chasseurs qui passeront leur première nuit dans les marais, et à défaut de leur faire vivre les joies de l'attache, nous passons plus de temps que nécessaire à disposer les cages, à choisir les canes dans les parcs, à placer les blettes... il y a quelque chose de religieux dans la manière dont nous nous laissons aller au rite et dont nous reproduisons les gestes de la prise en main de la mare. Tout au long de ces préparatifs, les superstitions vont bon train : la marée haute est attendue à 16 heures... c'est sûr, elle délogera les siffleurs que nous avons vus dans la Baie un peu plus tôt. La passée sera bonne !
Nous restons dehors bien après l'heure du coucher du soleil. Il fait frais, mais nous goutons avec délices au bonheur de l'attente. Un bruit dans le ciel, nous tire de notre torpeur : nous rêvons à une oie, il s'agit d'un cygne... nous rentrons. Au menu : huîtres achetées tout à l'heure au Crotoy, pâtés de gibiers, éclats de rire et chant des canes. Une nuit de plus à la hutte comme toutes les autres : parfaite.
Et cette nuit, comme tant d'autres depuis que je passe mes fins de semaine aux guichets, se solde par une bredouille retentissante : aucun d'entre nous n'a eu le goût de tirer trois siffleurs à la passée du matin - trop loin - mais tous garderont de ce dimanche matin le souvenir magique de deux cygnes qui ont tournoyé longtemps autour de notre mare avant de choisir celle, plus accueillante, de notre voisin. Cette nuit fut la dernière de la saison, en voici quelques images.
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